Des marionnettes à taille humaine, d’énormes tarentules et une critique de la condition de la femme, c’est ce que nous promet l’adaptation par la compagnie Plexus Polaire de la pièce « Une maison de poupée », en anglais sous-titré. Un récit piquant et sarcastique qui touche en plein cœur le spectateur.
Écrite par le norvégien Henrik Ibsen, « Une maison de poupée » raconte l’histoire de Nora qui, pour sauver son mari malade Torvald, se voit obligée de faire un prêt à la banque. Chose interdite pour une femme de son époque (XIXe siècle), elle falsifie la signature de son père et contracte le prêt auprès de Krogstad, un banquier employé par son mari. Traversant chantage et menaces, Nora se fait emporter par son mensonge dans une société bourgeoise hypocrite et sexiste. Elle réalise alors qu’elle ne veut plus être la « petite alouette ou la jolie poupée » de son mari. Elle refuse de rester enfermée dans son couple où elle est traitée comme inférieure et n’est seulement réduite qu’à son rôle de mère de famille ou de trophée mondain.
Interprétée par la magnifique Maja Kunšič, le personnage de Nora se veut ambassadeur de l’émancipation de la femme dans une société misogyne. Kunšič incarne parfaitement cette femme plongée dans ce monde de faux-semblants. Les autres rôles sont joués par des marionnettes grandeur nature, hyper réalistes, que l’actrice manipule de façon remarquable. On en oublie presque que ce ne sont pas de vraies personnes.
La mise en scène d’Yngvild Aspeli, une des plus grandes marionnettistes du monde, est remplie de parallèles puissants et poétiques. Au fur et à mesure de l’histoire, des araignées apparaissent dans le décor. Elles se faufilent entre les pieds de la table, courent le long de la scène et montent sur les corps. Plus le récit avance, plus les araignées grandissent. Plus elles grandissent, plus Nora se fait piéger dans un patriarcat qui l’étouffe. La comédienne porte parfois une énorme tête d’alouette trop lourde pour elle, symbole de son surnom qui la réduit à sa condition d’épouse. C’est quand son couple vole en éclat que Torvald est remplacé par le seul autre comédien humain de la pièce. Peut-être une image suggérant que Nora s’accepte enfin comme l’égale de son mari ? Une mise-en-scène singulière et émouvante qui plonge le spectateur dans l’histoire dès la première minute.
L’esthétique inédite proposée par Aspeli avec ses marionnettes, ses décors et ses lumières changeantes, porte un texte époustouflant et rempli d’ironie, sublimé par l’interprétation magistrale de Maja Kunšič. Une pièce écrite en 1879 mais qui aborde pourtant des thèmes encore bien présents à notre époque.
