Selon les rapports du GIEC, l’objectif de zéro émission nette avant 2050 nous permettrait de rester sous la barre des 2 degrés en 2100. Cependant, de nombreux experts climatiques dont Thomas Gilon sont pessimistes. Pour ce dernier, « avec ce que les États annoncent comme politiques, nous sommes bien engagés pour approcher le seuil des 2 degrés voire le dépasser largement dès 2050. »
Thomas Gilon est ingénieur en télécommunication au sein de la société Climact (Centre d’Impact et d’Action Climatique). Il travaille majoritairement sur Pathway Explorer, un modèle prospectif et outil en ligne qui a pour vocation d’appuyer des décisions à un niveau national (ONG’s, gouvernements d’Europe et de partout dans le monde) pour atteindre l’objectif de zéro émission nette. Afin de construire ce modèle, Thomas Gilon se fie à des experts sectoriels, de l’industrie ou du transport par exemple.
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Inévitablement, l’activité humaine est et restera rythmée par le pétrole dans les prochaines années. Nous avons atteint le pic de pétrole conventionnel (provenant de réservoirs souterrains) aux alentours de 2006 et serions sur le point de passer celui du pétrole non-conventionnel (provenant de roches). Cet épuisement impétueux va dicter le marché et donc notre consommation. « La décarbonisation va avoir un impact sur notre quotidien parce qu’il y a des choses qui ne pourront plus être abondantes de la même manière. », affirme Thomas Gilon. Il fait référence à nos innombrables voyages en avion, nos achats capricieux de vêtements, l’apogée des hautes technologies comme les smartphones et notre confort alimentaire de luxe possible grâce à des rendements agricoles colossaux. Tout cela ne sera plus possible en 2050 en l’absence de pétrole. « Le défi est de savoir comment nous voulons que cette réalité impacte notre quotidien. Soit on décide de structurer la manière dont on évolue vers 2050, soit on décide de ne rien faire et de subir. », affirme l’ingénieur.
En cas de déni total, on peut s’imaginer un paysage peu séduisant en 2050. « Dans un scénario où les risques physiques du changement climatique deviennent très importants, il est fort probable qu’il y ait une rupture dans les chaînes d’approvisionnement. En trois jours, les supermarchés sont vides dans une ville classique. On ne se rend pas compte à quel point notre système fonctionne à flux tendu. », prévient Thomas Gilon. « Une majorité de la population sera confrontée à des hivers réellement plus froids, on aurait donc une augmentation des taux de mortalité liée aux vagues de froid. La même chose s’applique aux vagues de chaleur en été. » Au niveau des transports, une relocalisation serait nécessaire et les infrastructures devraient être plus résiliente selon l’ingénieur. « Le macadam va, avec certaines vagues de chaleur, être beaucoup plus attaqué par le soleil et se dégrader. Les lignes de transport de train, de la même manière, pourraient être altérées simplement par une chute d’arbre. Il pourrait aussi y avoir des vagues de froid qui empêchent les trains de circuler. On peut aussi imaginer des pistes d’aéroports inondées. » Il rappelle : « L’an dernier, au Pakistan, 9% de la surface du pays avait été recouverte par les inondations. » Pour que cette projection de paysage ne soit qu’une simple vision dystopique parmi tant d’autres, dont on rira dans trente ans, il est temps de rationaliser nos besoins. « Chaque dixième de degrés compte, tous les efforts sont bons à prendre. », encourage Thomas Gilon. De leur côté, les gouvernements européens se tuent à la tâche pour ralentir les chaînes de production et contraindre intelligemment les citoyens dans leur consommation, en espérant atteindre le seul objectif qui compte réellement : zéro émission nette d’ici à 2050. Bravo ! D’ailleurs, à quand la 6G ?
Cendric Everarts