De nos jours, sur les réseaux, tout le monde crée, mais tout le monde copie aussi. La frontière entre création et imitation s’estompe au fil du temps, au fil des trends. Dans ce vertigineux bal numérique, la créativité danse-t-elle encore librement ?
Et s’ il y a bien une plateforme où la création semble formatée, c’est TikTok. En quelques heures, une chanson devient virale, un geste se répète, un son envahit nos écrans. En quelques jours, tout le monde reproduit la même idée : chorégraphie sur “Greedy” de Tate McRae, mimique sur “What Was I Made For?” de Billie Eilish ou vidéos absurdes inspirées des bijoux de la couronne volés du Louvre. Ces tendances virales dictent aujourd’hui le rythme des réseaux sociaux et façonnent nos manières de nous montrer.
À première vue, les trends semblent célébrer la créativité : chacun peut participer, créer, s’exprimer sans moyens techniques particuliers, juste avec son smartphone. Les trends offrent une structure accessible (une musique, un format, un geste) que chacun peut s’approprier. Vous avez sûrement déjà eu l’occasion de voir un « Photo dump » en story Instagram ou même d’en créer un. Cette tendance où l’on partage des images aléatoires de son quotidien ou les moments phare de son mois encourage une forme d’esthétique populaire, entre humour et spontanéité. Grâce à elles, la création semble enfin démocratisée : tout le monde peut être vu, entendu, reconnu.
Créer…ou copier ?
Mais cette liberté n’est qu’apparente. Les tendances sont plus que jamais encadrées par les algorithmes, qui favorisent les contenus conformes aux formats populaires. L’utilisateur, pour être visible, imite les codes dominants. L’originalité devient un risque, l’imitation une stratégie. Le succès dépend moins du talent que de l’alignement avec la “bonne” trend, au bon moment. Ainsi, les vidéos “Get Ready With Me” ou “That Girl” imposent des normes de beauté, de productivité et de mode de vie qu’il faut suivre pour “plaire”.
Derrière la créativité, il y a donc la recherche de validation : likes, vues, commentaires. Ne pas participer, c’est disparaître du flux. Les filtres beauté, les esthétiques “clean girl” ou “coquette” traduisent ce besoin d’appartenir à un groupe numérique qui valorise la conformité plus que la singularité. La créativité devient alors une performance sociale, un moyen de se fondre dans la tendance plutôt que de s’en démarquer.
Les « anti trends », à contre-courant
« Il voulait s’asseoir 30 secondes, il s’est assis 20 ans 30 secondes». C’est ainsi que certains créateurs détournent les codes. Les “anti-trends”, qui parodient ou ratent volontairement les vidéos populaires, moquent l’uniformisation et rappellent qu’il est possible de jouer avec les règles. D’autres adaptent les trends à leur culture, leur humour ou leur quotidien, prouvant qu’il existe encore des marges de liberté face à l’algorithme. Ces résistances discrètes redonnent un sens authentique à la création numérique.
Les trends sont donc ambivalentes, elles libèrent la parole mais imposent des normes implicites. Elles reflètent une société obsédée par la visibilité, où la créativité ne s’exprime plus totalement librement, mais sous le regard constant des autres. Peut-être qu’au fond, la vraie originalité sur les réseaux n’est plus de suivre la dernière trend… mais d’oser ne pas la faire.
