Le Masculinisme : la rage des hommes connectés

Mâle alpha, mâle sigma, incel … derrière ces étiquettes virales, se cache un mouvement aux contours troubles : le masculinisme. Il s’alimente de frustration, de rejet et de haine envers les femmes. Des discours qui, parfois, glissent vers l’incitation à la violence. 

Le terme masculinisme est apparu dans les années 1970 en Europe et en Amérique du Nord. Il s’est largement diffusé dans les années 2000, avec l’essor d’Internet et des réseaux sociaux, où il a connu une popularisation à la fois spectaculaire et inquiétante. Ce mouvement, complexe, regroupe différentes tendances et sensibilités. Toutefois, toutes partagent une même idée : celle de restaurer une société où les femmes seraient ramenées à une féminité traditionnelle, soumises et à conquérir. En d’autres termes, le masculinisme serait une idéologie antiféministe, qui considère que la société avantagerait les femmes au détriment des hommes. 

La dérive des algorithmes

Melvin Hasecic, diplômé en criminologie à l’université de Liège, s’est penché sur le sujet et a décelé un lien récurrent entre les contenus de musculation en ligne d’une part et les marqueurs d’hyper-masculinité et/ou antiféminisme de l’autre. Les 16-24 ans sont les plus exposés aux contenus antiféministes, tandis que les plus âgés s’intéressent plutôt à des messages centrés sur l’hyper-virilité.

D’après une étude de la RTBF de septembre dernier, un jeune intéressé par le sport est exposé à des contenus masculinistes après  quarante minutes en moyenne sur Tik Tok. Ce délai peut sembler important, mais il l’est beaucoup moins si l’on considère que, selon une étude publiée en 2024 par Sciensano, les jeunes passent en moyenne trois heures par jour devant leurs écrans.

Du discours à la violence

Comme mentionné précédemment, le seul point commun entre tous ces contenus est leur conviction que le féminisme va trop loin. Cependant, certains vont bien au-delà de la simple critique : ils incitent à la violence, à la soumission, voire à l’apologie du viol envers les femmes. On peut y entendre des propos tels que : « Il faut surveiller vos gonzesses, les gars, c’est important. Il faut les peser. On va lui faire faire sa pesée tout à l’heure » ou encore : « Moi, si j’avais violé une meuf, sachez que je ne m’en voudrais même pas »

Malheureusement, le masculinisme ne se limite pas aux réseaux sociaux. Certains adeptes se radicalisent au point de passer des paroles aux actes, commettant des violences, voire pire. Au Canada, dans les années 1990, une fusillade à l’École polytechnique de Montréal a fait quatorze victimes, toutes des femmes. L’auteur aurait déclaré avant l’attaque « haïr les féministes ». Plus récemment, aux États-Unis, un homme se présentant comme « incel », pour « célibataire involontaire », a perpétré une tuerie faisant six morts. Dans une vidéo où il justifiait son acte, il affirmait : « Vous, les filles, vous n’avez jamais été attirées par moi. Je ne sais pas pourquoi, mais je vous punirai toutes pour ça»

Un contrôle insuffisant ?

Des parlementaires français ont lancé une commission d’enquête sur l’impact de TikTok sur les mineurs. Leur rapport, publié le 11 septembre dernier, accuse la plateforme de favoriser la diffusion de contenus violents et extrêmes pour capter l’attention des utilisateurs. TikTok affirme pourtant avoir pris des mesures : 99 % des contenus problématiques seraient supprimés, et l’hashtag #incel a été retiré. Cependant, des vidéos similaires, mettant en scène les mêmes influenceurs, continuent de circuler. Malgré les efforts annoncés, des failles persistent et les contenus litigieux restent visibles.

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