Cette année, environ nonante tonnes de cocaïne ont été saisies dans le port d’Anvers. De quoi faire de notre pays une véritable plaque tournante du trafic de drogue…
Cela fait des mois que la Belgique semble gangrénée par des violences liées aux actions des trafiquants de drogues sur notre territoire. Il y a plusieurs années déjà que des échanges de tirs et règlements de compte sont fréquents dans certains quartiers d’Anvers, mais tout semble s’être accéléré ces derniers mois. La raison principale de cet accroissement de la tension, c’est l’opération Sky ECC, le nom de la plus grande opération de décryptage de la police belge. Elle a pu accéder aux échanges entre criminels sur la messagerie privée Sky ECC grâce à une très importante fuite de données. Parmi les nombreux messages que la police a pu lire, une grande partie concernaient le crime organisé autour du trafic de drogue. Ces découvertes ont assez rapidement été suivies de saisies massives de cocaïne, les lieux d’entrepôt n’ayant plus de secret pour les enquêteurs après la divulgation des messages.
Le ministre de la Justice en danger
Mais ces opérations de police ont également eu des conséquences moins heureuses. Les criminels ne se sont jamais autant sentis en danger. La Belgique étant un lieu essentiel pour la distribution de drogues en Europe, le réveil des enquêteurs belges signifie en quelque sorte la fin d’une époque pour de nombreux trafiquants. En effet, notre Royaume, avec ses deux ports d’importance mondiale (Zeebrugge et Anvers, qui ont fusionné au sein d’une seule entité récemment) et son très dense réseau autoroutier est un point de chute idéal pour importer des substances illicites avant de les distribuer partout en Europe. La Belgique n’est effectivement que très rarement la destination finale de la marchandise. Avec le retour de saisies très régulières, les narco-trafiquants voient donc tout un pan de leur système s’effondrer. Ce qui explique que certains se sentent prêts à tout et n’aient plus aucune limite. Comme un baroud d’honneur avant l’effondrement. Ils ont donc voulu d‘abord faire taire la presse, en menaçant des journalistes qui enquêtaient sur leurs pratiques. Aux Pays-Bas, un journaliste d’investigation a été tué en pleine rue. En Belgique, c’est le ministre de la Justice, Vincent Van Quickenborne, qui a dû s’isoler dans un lieu tenu secret avec toute sa famille. Les menaces qui pesaient sur lui à un moment précis de l’enquête Sky ECC auraient pu avoir des conséquences dramatiques. Quatre suspects du milieu de la drogue ont été arrêtés, et le ministre a pu retrouver sa liberté de mouvement.
Un pays en lutte
Pour éviter cette destinée de narco-État, la Belgique tente de réagir. D’abord avec ses enquêteurs de police, comme nous l’avons déjà décrit plus haut, mais aussi par une meilleure action politique. Depuis une réunion au sommet en septembre entre les ministres fédéraux de l’Intérieur, de la Justice et de la Santé, le procureur fédéral et quatorze bourgmestres de villes concernées, ces derniers sont par exemple autorisés à fermer des commerces suspects de blanchiment ou de liens trop étroits avec la mafia. Même si pour certains experts concernés et interrogés par le journal Le Monde, le gouvernement réagit trop tard. Car les milieux de l’immobilier, de la politique et de l’économie anversoise seraient déjà bien trop infiltrés…