Grand amateur de film ou cinéphile du dimanche, vous avez sans doute repéré l’apparition au grand écran du film En attendant Bojangles, de Régis Roinsard. Moi-même pris d’une certaine curiosité pour la chose, attisée par les éloges dithyrambiques de deux cokotteurs, je me décidai à l’aller voir.
Le film met en scène dans les années cinquante Georges (Romain Duris) en fils à papa mythomane et raté, tombant éperdument amoureux de l’insaisissable et pétulante Camille, campée par Virginie Efira. Toute la première partie du film est ainsi employée à dépeindre sur un ton léger, caricatural, la passion et les excentricités du couple, ainsi que l’éducation de leur enfant, mais sans réelles péripéties. Après quelques dizaines de minutes à se demander si le film va démarrer, voit-on enfin apparaître les prémices d’une intrigue. Sous les extravagances de Camille se cache un profond mal-être qui finit par la clouer sur le carrelage froid d’un hôpital psychiatrique. Le film prend alors une autre tournure. Les « soins » brutaux d’une médecine qui ne comprend pas le mal qu’elle combat, l’impuissance d’un mari dévoué face à une tare qu’il ne peut aider à guérir, la découverte, pour un enfant, d’une vie sans complaisance et de la fragilité des repères qu’il croyait solides, autant de tragédies du quotidien. Le malheur se tapit sournoisement sous le manteau de la jovialité et l’homme se voit forcé de dévêtir le déguisement d’euphorie sous lequel il essayait d’oublier sa névrose. Le film offre des scènes touchantes d’humanité, mais le ton niais qu’il installe en atténue quelque peu la force et encombre les effets. De même, le réalisateur ne peut cacher un certain penchant pour les clins d’œil qu’on voudrait discrets mais qu’il nous pointe du doigt de manière téléphonée. Néanmoins, il faut saluer le jeu sur la répétition de scènes où l’imprévisibilité de Camille déjoue à chaque fois nos attentes, même si la dernière, celle de son suicide, est un peu ternie par les épanchements mélodramatiques de Romain Duris. Le film louvoie parfois maladroitement entre un registre d’une exubérance niaise et un ton sombre et cru.
Je sortis donc un peu mitigé de la salle de cinéma, un peu fatigué des fougues théâtrales de Virginie Efira, un peu déçu du potentiel dramatique que le réalisateur croyait devoir alléger par des scènes naïves.
Ceci dit, si l’idée de la folie vue à travers un esprit niais vous plaît, je ne peux que vous recommander la lecture du Perce-Oreilles du Luxembourg, de notre compatriote André Baillon, qui lui, arrive à concilier tragique et innocence de manière véritablement satisfaisante.

https://www.google.com/url?sa=i&url=https%3A%2F%2Fwww.allocine.fr%2Ffilm%2Ffichefilm_gen_cfilm%3D277530.html&psig=AOvVaw0JCnNCYM1wmKmKlFKPRSD8&ust=1647164581561000&source=images&cd=vfe&ved=0CAsQjRxqFwoTCJDHsLKkwPYCFQAAAAAdAAAAABAf