Le rideau se baisse sur la scène, le silence se fait dans la salle obscure. Une heure et demie de spectacle intense vient de s’achever. Quelques instants se passent, le temps que chacun prenne conscience que la représentation est finie, l’oreille tendue vers les premiers applaudissements. Ceux-ci ne se font pas attendre : une foule scande des bravos et salue les artistes, vent debout en applaudissant à bâtons rompus. À quoi vient-on d’assister ? Nous sortons un peu sonnés, d’une heure et demie de musique électronique intense, dense, prenante, hypnotisante, mixée sur scène par le musicien Rone. Sur les mesures abyssales du DJ, une dizaine de danseurs chorégraphient des relations amour-haine dans une sorte de cohue frénétique, organisée au milieu d’une carrière désaffectée.
L’enchaînement de mouvements, emmené par une troupe sûre d’elle et colorée d’une inclusivité bien choisie, entre baisers, agressions, jetés de poissons en silicone qui bougent et doigts d’honneurs intempestifs, manque un peu de récit. Ni abstraite, ni pleinement narrative, coincée dans un entre-deux un peu gênant, la pièce pèche par cet état intermédiaire où le spectateur hésite à chercher un sens à ce qu’il voit et entend. Faut-il se satisfaire de quelques doigts d’honneur vaguement lancés, sans savoir à qui ni au nom de quoi ? En tout cas, il faut s’en contenter.
La prestation et l’implication des danseurs sont cependant bluffantes, leur niveau n’a rien à envier et l’engouement manifeste de la foule pour la troupe peut se concevoir, à défaut de se partager. La présence scénique est remarquable et la troupe arrive à faire passer ses sentiments, même si ceux-ci sont ambigus et obscurs, vue l’absence de fil rouge du début à la fin. Si chacun trouvera sûrement dans la pièce une raison d’être impressionné, on comptera sans doute plus de spectateurs ravis parmi les inconditionnels d’art contemporain ou consommateurs de drogues récréatives.
Louis Tillieux