« The Milk of Dreams » est le thème de l’édition 2022 de la Biennale de Venise. Prestigieuse exposition internationale d’art contemporain, celle-ci se tiendra du 23 avril au 27 novembre. La Belgique sera représentée entre autres par une œuvre nommée Harem Football d’un artiste belge du nom de Francis Alÿs. Mais de qui s’agit-il ?
Francis Alÿs, plutôt méconnu du public belge, a une renommée internationale. Basé au Mexique et voyageant aux quatre coins du monde, il a vu ses œuvres innovantes exposées aussi bien à New-York qu’à Londres, Sydney, Maastricht… La liste est longue. Pourquoi cette renommée et en quoi ses œuvres sont-elles si insolites ? C’est ce que vous allez comprendre à travers les quelques descriptions d’échantillons de son art qui vont suivre. La vidéographie est l’outil central qu’emprunte Francis Alÿs pour faire le lien avec son public même si cette dernière est souvent accompagnée de photos et de tableaux.
Paradox of Praxis 1 (1997) – Cette œuvre est sans doute sa plus célèbre. Elle reflète entre autres l’idiotie de la vie. Durant 5 minutes de vidéo, on voit Francis Alÿs arpenter les rues de Mexico City en poussant un glaçon cubique géant. Sans relâche et pendant plus de neuf heures, l’artiste belge va déambuler jusqu’à la fonte totale du glaçon. « Sometimes making something leads to nothing » est la seule trace écrite qui accompagne l’extrait. Une œuvre réellement révolutionnaire dans l’art de l’absurde.
The green line – Encore une fois l’artiste s’inclut dans la vidéo. Toujours dans le thème de l’absurde et l’inutilité d’action, il mêle ici le poétique et le politique. Alors que plusieurs années avant cela, il s’était rendu à São Paulo et s’y était baladé plusieurs heures en déversant derrière lui de la peinture bleue. En 2004, il se rend à Jérusalem munit de pots de peinture verte et retrace la ligne d’armistice d’Israël de 1949 dite « ligne verte ». Dans ce court extrait, on voit notamment Alÿs passer devant des militaires intrigués. 24 km parcourus, 54 litres de peinture utilisés.
Reel-Unreel – 2011, l’Afghanistan est en guerre. Alÿs, encore une fois dans un contexte chaotique, va filmer des enfants jouer, non pas avec un cerceau, mais avec une bobine métallique de film, reel of film en anglais. Le groupe d’enfants suit cette roue dans le centre de Kaboul. Le réel, métaphorisé par la bobine, fait contraste avec les conditions humaines désastreuses des Afghans : l’irréel, l’inhumain.
Harem Football – Une comparaison de Reel-Unreel avec l’œuvre qui sera présentée à la Biennale, Harem Football, est cohérente. Cette dernière se tient comme 19e vidéo de la longue série sur les jeux d’enfants, Children’s games, des séquences qui représentent une partie importante du travail de l’artiste et qui illustrent des jeux souvent assez simples pratiqués à travers le monde et en particulier dans des pays sous-développés. Harem Football, ce sont des enfants jouant au football en 2017 à Mossoul (Irak), activité interdite par Daech.
Cuentos patrióticos – Son titre signifiant littéralement « contes patriotiques », cette vidéo fait partie des premières mais surtout des plus fascinantes du Belge. On y voit Francis Alÿs sur une place pavée tourner autour d’un grand poteau. Un mouton le suit pour le premier tour, puis un deuxième apparait, puis un troisième, et ainsi de suite. Au bout d’un moment, Alÿs et son groupe de moutons forment un grand cercle. À la moitié de la vidéo il est amusant de constater qu’il finit par perdre son rôle de meneur et devenir suiveur comme les moutons.
De la symbolique, du politique et de la poésie fusionnés en actes loufoques et tordus mais somme toute admirables. La Belgique est bien représentée par cet artiste. Quelque peu aliéné, il se laisse guider du Mexique à Hong Kong. Il est envoûtant à travers sa panoplie de vidéos que je vous conseille d’aller vivre sur internet. Ou mieux, à Venise un peu plus tard dans l’année !