Au conseil rectoral depuis 2010 et nommé recteur le 9 février, Didier Lambert fait le bilan des années Blondel et nous explique le fonctionnement des élections rectorales imminentes.
Selon vous, quel est le bilan de l’UCLouvain de ces dernières années, entre autres concernant les récents scandales de violences sexistes et sexuelles ?
Je peux comprendre que les étudiantes et les étudiants ne sentent pas toujours l’effet de la politique d’un conseil rectoral. Marcel Crochet disait “l’Université, c’est un grand paquebot, il lui faut des années pour changer de direction”. Sur deux mandats, vous pouvez imprimer un cap à l’université. Le cap imprimé, moi, je le vois : notre plus grande présence au niveau régional avec la fusion de Saint-Louis et les formations à Charleroi ainsi que l’ouverture à l’internationale dont l’étudiant peut déjà sentir ses effets. Sur la question des violences sexistes et sexuelles, ce sont des sujets complexes qui touchent profondément les personnes, avec des éléments anciens et malheureusement encore des soucis récents. Adresser ces questions, ce n’est pas facile : nous avons développé des campagnes de sensibilisation, des moyens d’observations avec l’Observatoire de la vie étudiante et, l’année passée, un groupe d’experts a fait un travail énorme avec un nombre de propositions de changements très élevé et nous sommes dans l’implémentation de ces mesures, mais ça prend du temps. On espère pouvoir ouvrir, entre-autres, un CPVS (centre de prévention de violences sexuelles) à Ottignies. C’est clair qu’il faut accélérer la cadence.
Récemment, les étudiants ont été surpris par un courriel concernant la campagne de location des logements UCLouvain. Un logement UCLouvain est-il vraiment limité à 2 ans de location et pourquoi ?
Le courrier que vous évoquez rappelle un mécanisme que nous pensons être de bonne gestion mais dont l’expression dans le courrier a été sans doute trop brutale. C’est pour permettre un roulement. Ce dernier donne un accès aux logements pour les nouveaux étudiants et bénéficie aux étudiants reconnus comme prioritaires. Ce courriel n’expliquait pas le principe, si vous n’expliquez pas l’objet d’une mesure, son sens, vous ratez votre communication… Et c’était le cas.
Pouvez-vous rappeler le rôle du recteur ?
On peut faire une analogie avec un gouvernement : la première mission d’un recteur, c’est jouer le rôle de chef d’orchestre entre, à la fois, l’orientation par mission via les pro-recteurs et pro-rectrices et l’orientation structurée de l’université via les vice-recteurs et vice-rectrices. La 2e mission, c’est la représentation politique de l’université dans toutes les instances externes mais capitales pour les fonctions d’enseignement et de recherche. On peut citer le CREF (Conseil des recteurs francophones) ou le FNRS au niveau belge mais aussi au niveau international comme le réseau Coimbra ou le réseau The Guild.
Selon vous, quels sont les enjeux liés aux imminentes élections rectorales du 25 mars ?
Dans certains cas, les recteurs – parce que pour l’instant il n’y a eu que des recteurs – ont réussi à imprimer leur politique dans l’action de l’université.Si je prends un exemple ancien : le plan “Langue” était une volonté rectorale, implémentant un programme de langue dans tous les secteurs. Dans le second mandat de Vincent Blondel, il y avait la volonté de développement plus rapide d’un plan de transition. Ainsi, on a créé un espace d’enseignement accessible à tous les étudiants et étudiantes de toutes les facultés à des cours sur la transition. Le choix sera donc important car ça impacte réellement les étudiants et étudiantes. Sans doute que ce qui est sur la table pour l’instant ne permet pas de distinguer les candidats et candidates des uns et des autres. Ce sera en écoutant les débats, en écoutant les questions qu’il faudra aller parfois un peu gratter derrière les façades du programme…
Comment se déroule l’élection rectorale ?
Pour première constatation, à Louvain la campagne électorale est très longue comparativement à d’autres institutions et donc tout mon courage aux candidates et candidats pour aborder ce marathon. L’institution propose deux grands types de présentation des candidats et candidates. La première, ce sont des rencontres : chaque secteur [sciences de la santé / sciences et technologies / sciences humaines] invite les membres du personnel et les étudiants de ce dernier pour rencontrer les candidats séparément. C’est une présentation globale du programme suivie d’une séance de question-réponse. Ensuite, des débats sont organisés par localisation : ils sont organisés par l’administration de la communication et des questions abordant différents thèmes seront posées aux candidats et candidates.Généralement, ce sont des débats déjà bien suivis par le public directement dans la salle mais ils sont aussi retransmis online, pour un plus grand accès.
Lorsque l’on se penche sur les programmes, on se rend compte que quelques points sont assez similaires ou un peu vagues. Est-ce habituel dans ce genre d’élections ? Est-ce que les programmes vont évoluer ?
Je pense que c’est inhérent en fait au fait que chaque personne qui se prépare à cette élection rectorale en tant que candidate ou candidat va sonder la communauté, et met dans son programme sa manière de répondre aux aspirations. La vraie action politique pour moi, elle démarre après l’élection, c’est la constitution de l’équipe qui va encadrer l’élu.e au premier septembre. Que va devenir l’enseignement demain ? Je rappelle que y a un bouleversement qui est en train de faire vaciller l’université. C’est l’émergence de l’intelligence artificielle. Là où on demandait à l’étudiant de faire des synthèses, ChatGPT sait le faire très bien et parfois mieux que l’étudiant moyen. Pour ces matières complexes, l’enseignement et la recherche sont aussi soumis à de très grandes pressions du monde politique et du monde associatif, par exemple sur la liberté de recherche qui est parfois remise en question. Pour moi, l’action politique dépendra des choix de ces personnes.
Dites-nous, pourquoi aujourd’hui le vote étudiant ne représente que 13% des voix pour l’élection rectorale ?
Aujourd’hui, l’ensemble des étudiants représente 13% des voix tout comme l’ensemble des chercheurs et chercheuses et l’ensemble du personnel administratif et technique. Les 61% restants, c’est la communauté académique qui les détient. Tout d’abord, sur le processus électoral, c’est intéressant de voir d’où l’on vient. La possibilité de voter pour l’ensemble de la Communauté universitaire est assez neuve dans l’histoire de l’université. Le système électoral est l’évolution d’un système de grands électeurs au Conseil académique où le personnel académique avait une majorité des voix supérieure aux 61%. Pour l’instant, je n’entends pas de débat sur la remise en cause de ces pourcentages. Je constate que les autres universités autour de nous ont suivi le mouvement et, grosso modo, gardent le même pourcentage. La participation étudiante aux élections rectorales est d’ailleurs élevée. Elle est même plus élevée que pour les élections des représentants des étudiants eux-mêmes, l’AGL. J’y vois la volonté de participer à la première figure de l’université.
Un dernier mot ?
Profitez de votre temps à l’université !