« Je crée des vers de vents »

Pourquoi oublie-t-on le nom des femmes dans la littérature ? Dans son dernier livre «Les neuf vies de Sappho», l’autrice française Laure de Chantal se place en descendante de ces femmes effacées, porte-voix d’un héritage venu d’une antique autrice : Sappho.

Sappho de Mytilène, Christine de Pisan, ou encore Madeleine de Scudéry, qui sont donc ces femmes ? Première personne à écrire sans se proclamer porte-voix des divinités, première femme de lettre française, ou fine lettrée manquant de près le titre de première femme de l’Académie française. Tant d’exploits absents des manuels de littérature.

Dans son dernier livre, « Les neufs vies de Sappho », Laure De Chantal rend voix à ces femmes oubliées et leurs sœurs, avec pour porte étendard la poétesse grecque Sappho.

Sappho, comme un symbole

Dans ce livre, Sappho est donc utilisée comme fil conducteur. Dépeinte comme une figure d’autorité dont se seraient imprégnées les autrices au fil des siècles, leur point commun à toutes. À la lecture, il semble que toutes ces femmes auraient reçu le don d’écriture par leur muse Sappho, à l’instar des aèdes grecs inspirés par les dieux. Un comble, d’utiliser ainsi le nom de la première personne à n’affirmer tenir son don que d’elle-même.

Il est donc important de distinguer les faits des opinions dans ce livre qui passe un message éminemment féministe.      

Alors qui était Sappho ? En réalité, on ne sait pas grand-chose d’elle. Certains disent qu’elle était belle, d’autres qu’elle était moche. Généralement, ceux qui ont lu les quelques fragments de poèmes qui sont parvenus jusqu’à nous la disent lesbienne, mais des rumeurs disent qu’elle se serait suicidée par amour pour un homme qui ne la désirait pas. Certainement que sa figure a été déformée par l’histoire, peut-être un peu par une vision masculine fantasmée de cette femme aux multiples talents. 

Finalement, la seule chose que l’on sait de source sûre, c’est qu’elle était déjà célèbre en son temps. Tout ce qui persiste réellement de son œuvre est son nom. En ce sens, Sappho est bien choisie pour symboliser une figure d’espoir pour les autrices.

Un anonymat au féminin

« Il y a un sérieux problème avec la postérité du nom des femmes, explique Laure De Chantal. Une autrice, même connue de son vivant, devient très vite invisible aux yeux de l’histoire, ce qui donne l’impression que la culture est l’apanage des hommes ».

« Le plus souvent dans l’histoire, ‘anonyme’ était une femme », écrivait déjà Virginia Wolf en 1929 dans son livre « Une chambre à soi ». Entre difficultés d’accès aux maisons d’édition, anonymat ou changement de pseudonyme pour des noms masculins « plus crédibles », à l’instar d’Aurore Dupin – plus connue sous le nom de George Sand – retrouver les paroles féminines est un véritable défi. À cela s’ajoutent des médias et des institutions telles que l’Académie française, encore largement tenus par des hommes, et la littérature féminine s’efface inexorablement.

Alors comment rendre à César ce qui est à César ? Ou disons plutôt : à Cléopâtre ce qui est à Cléopâtre. L’helléniste Laure De Chantal ouvre la voie en réalisant un travail d’historienne pour faire vivre à nouveau les poèmes de l’antique poétesse grecque Sappho, afin que ses « vers de vents » ne se perdent jamais dans la tempête de la misogynie. 

Lou-Anne Dangremont

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