À l’occasion d’une nouvelle rentrée marquée par la pandémie, L’Étincelle est partie se promener à Bruxelles pour rencontrer Valérie Glatigny, la Ministre de l’Enseignement supérieur. L’actualité évoluant parfois à la vitesse de l’éclair, la prudence nous oblige à dire que l’interview a eu lieu le 21 septembre.
Va-t-on enfin vivre une année normale à l’université ?
La plus normale possible, c’est une certitude. On a une rentrée en 100% présentiel avec le masque et des conditions d’aération particulières. Mon vœu le plus cher, et je sais qu’il est partagé par les étudiants et les professeurs, c’est qu’on puisse maintenir le 100% présentiel parce qu’on sait que c’est indispensable pour le bien-être psychologique des étudiants.
Qu’implique l’augmentation du nombre d’étudiants dans le supérieur ?
D’abord je m’en réjouis parce qu’elle signifie une démocratisation de l’enseignement supérieur. D’un autre côté, c’est un défi budgétaire. C’est pour ça que d’ores et déjà cette année, il y a 20 millions d’euros en plus, 20 millions aussi l’année prochaine, 20 millions l’année suivante…
Ces sommes suffiront-elles ?
Il y a un conclave budgétaire la semaine prochaine, on va proposer qu’il y ait 10 millions en plus à partir de l’année prochaine, donc 30 millions en plus. Puis l’année suivante, on sera à 40 et l’objectif c’est d’arriver en 2024 à 50 millions de refinancement structurel de l’Enseignement supérieur. On a conscience que ça ne va pas combler tous les besoins, c’est une évidence. Mais notre choix de gouvernement, c’est vraiment de ne pas aller vers les examens d’entrée, de sélection, c’est plutôt de refinancer l’Enseignement supérieur parce qu’on sait qu’avec l’arrivée supplémentaire de ces étudiants, il y a des contraintes supplémentaires pour les établissements en termes d’encadrement. Sinon, on va diminuer la qualité, ce qu’on ne veut évidemment pas.
Quelle est la perspective sur le port du masque ? Va-t-on évoluer dans l’année ou faire une année complète avec le masque ?
Je ne pense pas qu’on va faire une année avec le masque, mais je suis très prudente parce que l’épidémie nous a appris à ne pas faire des fausses promesses. Donc pour l’instant, pourquoi porte-t-on le masque ? Parce qu’il nous permet de faire du 100% présentiel. Quand on a le masque, si je suis positive et que vous portez un masque, vous ne devez pas vous mettre en quarantaine puisque le contact est considéré comme à faible risque. C’est le fait que vous ne deviez pas vous mettre en quarantaine qui nous permet de prolonger l’enseignement présentiel. Je sais que ce n’est pas agréable mais on garde le masque pour l’instant. Par mesure de prudence, parce que c’est ça qui nous permet de faire du 100% présentiel, surtout étant donné la situation particulière à Bruxelles et en région liégeoise.
N’est-ce pas un peu ridicule de devoir porter le masque dans l’auditoire et puis de faire la fête sans masque dans les kots le soir dans Louvain-la-Neuve ?
On vous fait confiance pour respecter la règle de base. Vous êtes des adultes avec un esprit critique, donc on vous fait confiance pour réaliser qu’en effet, s’il n’y a pas de distance sociale entre les gens, il vaut mieux mettre le masque dans un endroit fermé sans aération. Il faut être conscient de cette réalité. On sait aussi qu’il y a de plus en plus d’étudiants qui sont vaccinés. C’est le vrai message à envoyer. Je vous souhaite des interactions les plus larges possibles et ça passe par la vaccination. S’il y a beaucoup de contacts au sein d’un kot entre étudiants vaccinés, ce n’est pas risqué. Il y a en plus une antenne pour se vacciner à Louvain-la-Neuve. Le vaccin vient à vous, profitez-en parce que ça vous permettra de vous sentir plus libre.
Le COVID safe ticket (CST) en auditoire, c’est possible ?
Je pense que c’est très compliqué à mettre en œuvre pour des raisons pratiques, mais peut-être qu’on devra y venir. Je n’exclus rien avec ce contexte d’épidémie, parce que ça n’aurait pas de sens. Je pense que le message qu’il faut passer actuellement c’est que vous avez la possibilité de vous faire vacciner. Donc, tant qu’on a encore cette possibilité de faire monter le taux de vaccination, il faut envoyer ce message. Mais techniquement, le CST à l’entrée d’un auditoire, peut être assez lourd à organiser sur le plan pratique. Maintenant, s’il y avait une volonté généralisée d’y aller, pourquoi pas ?
Pour favoriser la vaccination chez les étudiants, n’aurait-on pas dû généraliser le CST pour tout le folklore étudiant ?
Oui, pourquoi pas. Après, il y a une réalité régionale, donc il y a un socle commun. Par exemple, puisque vous évoquez les fêtes, le socle commun dit que quand on a des évènements, c’est 200 personnes à l’intérieur, 400 à l’extérieur, et si c’est plus, il faut un CST. Pour les évènements où l’on danse à l’intérieur comme les TD, Chez Adèle (« ça existe toujours chez Adèle ? » nous demande la ministre), là c’est le protocole discothèque qui sera d’application à partir du premier octobre. Je pense qu’on est dans une période un peu charnière mais qu’on peut être raisonnablement optimiste.
Vous êtes Ministre de l’Enseignement supérieur, de l’Enseignement de la promotion sociale, de la recherche scientifique, des hôpitaux universitaires, de l’aide à la jeunesse, des Maisons de justice, de la Jeunesse, des sports et de la Promotion de Bruxelles. Comment vous faites ?
J’ai une bonne équipe. On est dans une situation où les gens veulent moins de dépenses publiques, moins de cabinets, moins de ministres. Il faut se rendre compte en parallèle que ça fait beaucoup de personnes, on est 5 ministres en Fédération Wallonie-Bruxelles, donc ça fait beaucoup de compétences chez une seule personne. La seule façon de faire, c’est d’avoir une bonne équipe.
Pendant la période COVID, il y a une frustration qui s’est parfois cristallisée sur votre personne, comment l’expliquez-vous ?
Je pense que dans un contexte de grande tension, il faut un responsable. Tous les collègues, à tous les niveaux de pouvoir, m’ont fait part de ça. C’est normal en période de crise, quand il y a tellement de restrictions des libertés, de demander beaucoup aux politiques puisque c’est nous qui avons fait quelque chose qui est tout à fait inédit dans l’histoire de l’enseignement supérieur, mais dans l’histoire de la société en général. Je pense que c’est le rôle d’une politique de tenir le choc, il faut une figure qui cristallise le mécontentement. C’est à nous de faire beaucoup de pédagogie pour expliquer pourquoi nous prenons des mesures. Ça ne fait plaisir à aucun ministre d’avoir des auditoires vides. Ce serait absurde. Je ne suis pas sadique, je ne fais pas sauter des ongles d’étudiants le soir, je ne les torture pas, et c’est la même chose pour ma collègue Caroline Désir quand elle a dû fermer les écoles. Elle ne rêve pas de ça le soir, en se disant pourvu qu’il y ait des classes vides. C’est juste l’inverse.
Et pour terminer, j’aimerais bien savoir ce que vous avez fait comme études ?
J’ai une licence en philosophie et puis un diplôme d’études complémentaires en éthique biomédicale et l’agrégation parce que je voulais me destiner à l’enseignement initialement. J’ai vraiment beaucoup aimé mes études. J’en ai beaucoup profité et c’est pour ça que je souhaite vraiment le retour à la normale pour les étudiants, parce que je sais très bien que tout le sel d’une année, ce sont les rencontres avec les profs, avec les autres étudiants.
NDLR : Après l’interview de la Ministre, le Gouvernement a annoncé un refinancement structurel plus élevé que ce qui était initialement prévu (et donné dans l’interview), avec 50 millions structurels dès 2022, 70 millions en 2023 et 80 millions en 2024. La Ministre déclare : ” Cela démontre la volonté du gouvernement d’améliorer l’encadrement des étudiants, la qualité de la formation et l’accessibilité de notre enseignement supérieur “.