Dans les années 1960 s’est développé un concept nouveau en sciences sociales ; la notion de fuite des cerveaux. Celle-ci se définit comme les flux migratoires des individus érudits ou hautement qualifiés vers l’étranger.
Si certaines études soulignent les effets bénéfiques que cela peut avoir sur les pays en développement, via transferts d’argent, migrations de retour et externalités, d’autres études montrent les effets désastreux que cela a pour les pays d’Afrique Subsaharienne et du Maghreb. Par exemple, la pénurie de personnel médical vécue dans la plupart des pays d’Afrique, alors que la France compte plus de médecins béninois que le Bénin. Sans parler des effets négatifs importants que cela a sur leur économie. Et si la fuite des cerveaux touche pratiquement le monde entier, pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) compris, il touche principalement et avant tout les pays d’Afrique.
Les causes sont diverses, mais les deux principales peuvent directement être rattachées aux politiques d’éducation et aux universités, leurs programmes et leurs places dans les classements universitaires. Deux courants renforcent cette dynamique de fuite des cerveaux vers l’OCDE ; la non-attractivité des universités africaines pour les étudiants locaux et les politiques mises en place par l’Occident pour attirer un maximum de chercheurs et étudiants étrangers, bien que ces politiques visent en priorité les pays asiatiques.
Premièrement, les programmes de ces universités se concentrent sur les questions de développement, telles que la lutte contre la pauvreté, le paludisme, la crise environnementale, la scolarité ou encore l’égalité des sexes. Elles abandonnent, faute de moyens, la recherche en sciences technologiques et économiques et laissent les universités asiatiques et occidentales s’en occuper, provoquant une fuite importante des cerveaux dans ces domaines précis. Deuxièmement, les critères des classements des universités parlent principalement de nombre de prix Nobel, de publications, de citations, etc. Or ces critères sont loin des préoccupations principales des universités africaines, pratiquement exclues du top 500 des universités mondiales. Si les critères concernaient avant tout des questions d’éducation ou médicales africaines, ces dernières figuraient aux meilleures places, d’après Daouda Maingari, sociologue.
De l’autre côté, les pays de l’OCDE font tout ce qui est en leur pouvoir pour attirer au moindre coût un maximum de capital humain qualifié. Les pays occidentaux le font en faisant une sélection précise des étudiants venant de l’étranger en visant principalement les populations qui ont déjà des capitaux élevés. C’est paradoxalement dans un but d’attractivité que sont mises en place les hausses des frais d’inscriptions des étudiants étrangers en Belgique ou en France, couplées à une simplification de démarches administratives. Le but étant à terme une sélection sociale accrue des étrangers et une hausse du prestige des universités.
Il serait donc temps de reconnaître qu’encore aujourd’hui, les politiques d’éducation occidentales ont des effets négatifs sur les populations africaines. Et surtout, ne me parlez pas de nos classements “objectifs” des universités.