Durant la nuit du 1er novembre 1975, Pier Paolo Pasolini est sauvagement assassiné sur un parking à Rome. Écrivain et cinéaste aguerri, ainsi que marxiste et antifasciste, Pasolini érige à travers ses œuvres une critique féroce du capitalisme et de la manière de produire de l’art et du divertissement. En une nuit revient, en 1h45, sur cette nuit fatidique qui vit la mort du cinéaste, et essaie au travers des notes de spectacles de retranscrire l’impact qu’à eu Pasolini sur le monde au travers de son art mais surtout de ses idées.
Écrit, réalisé et produit par Ferdinand Despy, Simon Hardouin, Justine Lequette et Eva Zingaro-Meyer, la pièce retrace les derniers instants de l’écrivain. De sa dernière interview à la nuit fatidique, celle-ci essaie de comprendre l’œuvre et les pensées de Pasolini dans le contexte historique tout en l’adaptant à une audience moderne. Revenons donc sur l’œuvre de Pasolini telle qu’elle est présentée par les comédiens.
Dans ses réalisations et écrits, Pasolini observe les changements sociétaux de l’après-guerre jusqu’à sa mort. Fervent critique de la société de consommation, du capitalisme et de la bourgeoisie, Pasolini regrette la disparition des nombreuses sous-cultures non-capitalistes, et plus précisément du sous-prolétariat des faubourgs de Rome. Cette disparition, il la met sur le dos de l’avènement du capitalisme et de l’industrialisation. Parfois accusé d’être passéiste et inactif au vu de son refus de participer aux institutions, il le réfute et pense que l’absence de participation aux institutions fait partie intégrante de son combat pour une société sans classe.
Et malgré la complexité de la tâche, En une nuit réussit à présenter les œuvres de Pasolini grâce à un mélange d’hommage à ses idées et à son art. Un moment c’est la poésie de Pasolini qui est mise en avant, l’instant d’après, sa filmographie, le tout sans jamais oublier le contexte idéologique qu’est le marxisme. Mais si la pièce est globalement touchante, drôle et intéressante, certains passages tirent en longueur. La pièce aurait bénéficié de faire une demi-heure de moins et de retirer un certain nombre de répétitions. Malgré sa longueur, la pièce suppose que le spectateur ait déjà une connaissance assez solide des concepts politiques mobilisés, ainsi que des codes du théâtre. Si je maîtrisais assez bien le côté politique, mon inexpérience par rapport aux codes du théâtre font que certaines blagues et références ont dû m’échapper.
On peut toutefois souligner l’effort de présenter le point de vue différent, malheureusement un peu perdu dans le temps, du marxisme sur la société de consommation. En l’adaptant plutôt bien aux défis actuels que nous rencontrons aujourd’hui. La pièce ne plaira peut-être pas à tout le monde mais comme elle le dit si bien, l’art à le droit, voire le devoir, d’exister hors de l’avis du consommateur.
Antoine Smit pour l’Étincelle.