Le Songe d’une nuit d’hétéro déconstruit

Une énième reprise en costumes proprets de ce classique éculé du répertoire shakespearien ? Que vous aimiez ou non la nouvelle représentation de cette pièce par la compagnie Point Zéro au théâtre Jean Vilar, force est de reconnaître que l’adaptation proposée sort des sentiers battus.

Rois et reines contrariés dans leurs projets matrimoniaux, amants ravis ne songeant qu’à vivre d’amour et d’eau fraîche, elfe espiègle dispensateur de philtres semant la confusion, tous ces personnages hétéroclites vont croiser leur destinées le temps d’une nuit aussi féerique que loufoque  dans l’espace magique et indéfini de la forêt.

Tout l’imaginaire burlesque de Jean-Michel d’Hoop s’empare ici de cette comédie multiséculaire pour y souffler un vent nouveau. En effet, outre le mélange subtil de marionnettes et d’acteurs en chair et en os, les personnages sont parés du manteau d’une société toujours plus inclusive. Jetés au ventre insatiable des mises en scène dépassées, les costumes antiques et les tirades hiératiques où transpire un amour donné du bout des doigts ; place est faite à une foule bariolée, libérée des carcans toujours délétères de l’hétérocentrisme. Dans la forêt du destin où se scelleront les amours contrariées des uns et des autres, se croisent policiers homosexuels harnachés dans leur combinaison de cuir, punks androgynes à la sexualité dûment déconstruite et drag queens botoxées en tutu dans une danse frénétique à la recherche d’un amour délié de ses a priori patriarcaux.

Qui finira par conquérir l’amour de qui ? pose la pièce originale. La présente adaptation résout la question de manière tout aussi originale en refusant l’hymen final : la femmes repartiront seules, libres, de leur plein gré, loin des désirs possessifs et paternalistes des hommes qui croyaient pouvoir disposer d’elles. Finalement, ce n’est pas l’amour, un amour naïf, qu’elle trouveront à l’issue de la folle nuit, mais le pouvoir de disposer librement d’un amour qu’elle peuvent offrir ou non. Qu’on apprécie ou non de voir Shakespeare affublé des vêtements unisexes de l’esprit woke, remercions la compagnie Point Zéro pour l’effort investi dans la réalisation de cette adaptation audacieuse.

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