The Apprentice : Make Trump Great Again ?

Dès les premières images, le spectateur est plongé dans le New York sombre et vibrant des années 70. La caméra d’Ali Abbasi (Border, Holy Spider & The Last Of Us) nous entraîne dans une ville presque mythique, au paysage de béton et de fer où chaque ruelle, chaque bâtiment semble porter l’empreinte de l’ambition brutale de l’époque. Sorti en salle lors des récentes élections présidentielles américaines, The Apprentice nous arrive vingt ans après le premier épisode de l’émission de télévision éponyme. Une émission où, ironie du destin, Donald Trump incarnait le maître des apprentis. Ici, le jeu de miroir s’inverse : Trump devient l’apprenti sous la coupe du magnétique Roy Cohn. 

Jeremy Strong, dans le rôle de Cohn, incarne diaboliquement bien ce mentor obscur et froid, une figure qui façonne Trump avec trois préceptes : attaquer sans relâche, ne jamais se laisser abattre, et surtout, toujours revendiquer la victoire. C’est en livre sacré que se transforment ces instructions, modelant une figure à la fois fascinante et inquiétante. La relation entre Donald Trump, merveilleusement joué par Sebastian Stan, et Roy Cohn n’est pas simplement un mentorat, mais une manipulation systématique. L’idéologie du “tout pour soi” l’emporte sur toute forme de solidarité ou d’éthique sociale. Le réalisateur laisse émerger le spectre de la politique et du pouvoir à travers des plans où l’ombre de Cohn se dessine derrière Trump, inséparable de sa quête d’influence et de gloire​.

Pourtant, dans cette ambiance “made man”, le film laisse entrevoir les failles d’un empire en équilibre instable. Relations factices, ambitions malades et entreprises prêtes à chuter comme des étoiles filantes dans le ciel de New York. Dans cette quête sans fin, le personnage principal s’isole progressivement, coupé de tout ce qui pourrait l’ancrer dans la réalité. Chaque décision l’éloigne davantage des siens. Froid et détaché, il devient prisonnier de son propre univers de mensonges et d’orgueil.

Abbasi ne livre ni condamnation, ni hommage, mais une peinture sombre et nuancée, accentuée par une esthétique visuelle inspirée des années 70 et 80. Le réalisateur marque une relation complexe entre ces deux hommes et ouvre une réflexion amère sur le pouvoir et son prix. On ne s’étonne pas que l’équipe du Président nouvellement élu ait menacé de porter plainte pour diffamation contre le réalisateur…

Paul de Marneffe

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